Bg Jackie Prise 2

Le retour fut très ardu pour Jackie. Les images frappaient dans sa tête, hantaient son esprit. Déjà elle sentait les regards autour d’elle, et la peur la submergeait de plus en plus au rythme des vagues frappant sur la coque de leur petite embarcation.

Une fois le pied mis à terre, Jackie réalisa combien sa vie allait être dangereuse à partir de ce moment. Comment retourner à une vie normale après avoir vu tant de… de morts??
Les au revoirs furent rapides. Plus vite ils s’éloignaient les uns des autres, plus rapidement ils pourraient retrouver un semblant de vie, autant possible cela puisse l’être.
À Anchorage, Jackie chercha un guichet le plus vite possible et retira tout son argent. Elle ne devait plus jamais se servir de ce compte. Elle prit le prochain bus qui partait vers l’est en espérant de tout son cœur que ses peurs ne la rattraperaient pas pendant le trajet.
Elle contait bien se rendre jusque chez ses grands-parents, au Manitoba. George et Daisy allaient pouvoir l’aider.

Le voyage semblait vouloir être sans embûches. Ils arrivaient bientôt en vue d’Edmonton, quand les choses tournèrent au vinaigre.

Jackie rêvassait, fixant le paysage plat passer à toute vitesse, son iPod sur les oreilles. Elle avait, depuis le départ d’Anchorage, retrouvé un semblant de repos. Comme le calme avant la tempête. Bien sûr, elle n’oublierait jamais les images cauchemardesques d’Adak, mais elle se permettait un peu de répit, après tant de peurs. La nuit chaude de l’Alberta la réconfortait.

Soudain, les choses commencèrent à s’agiter autour d’elle. Des cris lui assaillirent les tympans à travers son casque d’écoute. Ce répit était trop beau pour être vrai semblait-il.
Un homme était debout au fond de l’autobus, hurlant, gesticulant, bavant de rage. Il semblait possédé, et faisais paniquer tout le monde. Tout d’un coup, il sorti un pistolet de sa poche arrière et se mit à menacer les passagers en hurlant que tout le monde devait sortir leur argent, sinon ça allait barder. Jackie semblait halluciner.

Dans un mouvement sec, le terroriste attrapa une femme qui, paniquée, hurlait à plein poumons, puis visa le chauffeur de bus. Un coup de feu retentit. Jackie se réfugia sous son siège, effrayée. Elle avait peur de mourir, encore.

Pourtant, elle avait combattu pire. Ce pauvre mortel n’était rien comparé à ce qu’elle avait dû affronter. Elle reprit ses esprits et se mit en action.

Tout d’abord, elle devait se rendre au devant de l’autobus, rejoindre le chauffeur. Elle savait que depuis quelques années, chaque chauffeur devait être munis de téléphone cellulaire, en cas d’accident. Ce dernier n’avait pas eu le temps de le faire, aussi devait-elle appeler les secours. Aussi silencieusement qu’elle en était capable, elle se glissa vers l’avant et rampa jusqu’au volant. Le chauffeur était en vie. La balle l’avait atteint à l’épaule, et l’handicapait, mais l’homme allait survivre si elle atteignait le téléphone. Elle demanda au chauffeur si il était en mesure de parler. Il lui répondit à l’affirmative. Jackie prit donc le téléphone dans le manteau de celui-ci accroché derrière son siège et lui passa, en lui disant qu’elle allait faire diversion. Elle calcula rapidement. Ils étaient sur une route de campagne, et la dernière pancarte qu’ils avaient croisée signifiait que la ville la plus proche était à 38 kilomètres. Les secours devraient arriver dans une vingtaine de minutes… Une éternité!!

Elle retourna vers l’arrière. L’homme hurlait toujours et semblait paranoïaque. Jackie s’approcha tranquillement de lui, les mains dans les airs. Elle tenta de le raisonner. Le terroriste pointa son arme sur elle.
-Vous ne pourrez rien changer!, vociféra-t-il. Il la retiendra toujours!
-Qui retient-il?, demanda calmement Jackie.
Une lueur de folie et de désespoir envahie le regard de l’homme devant elle. Il la fixa dans les yeux.
- Elle est déjà morte de toute façon… Rien ne pourra venir changer quoi que ce soit!! Surtout pas une petite emmerdeuse dans ton genre!
- Qui ça? Répondez-moi, je vous en pris.
L’homme descendit son arme, l’air fatigué. Il relâcha la femme qu’il retenait toujours, qui alla se réfugier le plus loin possible, affolée. Il se rassit sur son siège, baissa les yeux et fixa le vide pendant quelques secondes. Puis, ouvrit la bouche.
- Ma fille… cet enfoiré retient ma fille.
Un silence envahit l’autobus.
- Ce n’était pas supposé se passer ainsi. Ma femme devait garder un œil sur elle! Elle a toujours eu le sommeil profond. Elle ne l’a pas entendu. À son réveil, elle n’était plus là… Seulement une demande de rançon… ainsi que mon nom sur l’enveloppe. Elle savait que mon job pouvait nous causer des problèmes! Elle n’avait pas sécuriser la maison!, ajouta-t-il l’air furieux.
- Quel est votre travail?,l’interrogea Jackie.
- Je suis croupier, dans un casino à Victoria. Cela peut paraître débile, mais si vous étiez au courant des cinglés qui se promènent là-dedans! Je ne compte même plus le nombre de gars qui m’a accusé personnellement de la perte de sa fortune. J’avais entendu des histoires folles à propos de mecs qui veulent leur revanche sur un pauvre croupier qui faisait sa job comme n’importe quel autre imbécile… Ma femme, elle, ne voulait pas croire à ces histoires… Elle vivait dans le déni! C’est de sa faute si tout cela a mal tourné!
Tout d’un coup, il sembla revenir à lui.
- Et toi, petite garce, tu vas me donner ton argent! Tu m’a fais parler trop longtemps, maintenant vous allez tous m’obéir.
Il releva son pistolet et visa de nouveau Jackie, qui sourcilla à peine. Elle entendait les secours.
- Vous n’avez pas choisit la meilleure méthode. Vous auriez dût aller voir la police!
- La police?, répondit-il dans un tic. Elle ne peut rien pour moi… comme pour vous!!
- Tu te trompes, relança Jackie. Ils arrivent.
Dans un même mouvement, l’homme appuya sur la gâchette, pendant que la police envahissait le bus. Jackie sentit une décharge envahir son corps, son torse lui brûla comme milles feux. Elle s’écrasa par terre, pendant que l’univers bougeait trop vite autour d’elle. Tout devint noir.

À son réveil, elle n’ouvrit pas les yeux tout de suite. Un effort trop difficile. Elle entendait un bip, près d’où elle était. Il était lent et inégal. Un bruit de fond envahissait sa tête, des dizaines de voix entremêlées. Tout semblait bouger. Elle retomba dans le néant.

À son second réveil, elle sentit une présence. Elle n’y fit pas attention. Elle se rendormit.

Une vive douleur lui fit ouvrir les yeux pour la première fois. Jackie ne voyait rien, tout semblait blanc, teinté d’agonie. Quand le voile s’éclaircit, elle aperçue tout d’abord un décor d’hôpital, puis l’homme qui se tenant tout près du lit. Elle ne le connaissait pas. Il semblait détonner dans cet environnement froid et austère.

Cheveux châtains, teint pâle, yeux hypnotisant, il était grand et semblait sculpté dans du roc. Il ne la quittait pas des yeux, son sourire blanc étincelait sous les néons. Était-il la source de cette soudaine douleur? Son sourire semblait trop doux pour avoir quelconque lien avec son mal. Jackie était envoûtée. Était-il un ange envoyé du ciel? Allait-elle mourir?
- Tu es sur le point d’expirer ton dernier souffle, Jackie.
Il connaissait son nom! Elle n’avait jamais connu si pur bonheur. Elle ne ressentait plus aucun mal sous autant de joie.
- La balle a traversée des organes. Il te reste au plus quelques heures à vivre.
Mais de quoi parlait-il? Jackie se sentait bien; il la regardait, connaissait son existence!
- Je peux mettre fin à tout cela. J’ai le pouvoir de te garder en vie. Plus de mort. Tu dois seulement dire oui.
Oui? OUI!!! Jackie ignorait de quoi cet homme parlait, mais elle ne pouvait rien lui refuser! Ne pouvant pas parler, elle acquiesça du menton.

Un sourire indécelable vint efface le précédent sur les lèvres de l’ange.
- Enfin…
Et il se pencha sur elle. La chambre sembla s’effacer.

L’extase.

Jackie se réveilla dans une pièce inconnue. Son ange était près d’elle. Plus aucune blessure ne semblait tacher son corps nu et étrangement pâle. Pourtant, elle ne s’en fit pas plus.

Antoine lui parla de sa nouvelle vie. Vampire? Ce mot semblait si loin dans son esprit. Pourtant, elle le crut.
Une douleur envahit sa gorge.
- Tu as soif, ma douce, vient que je t’apprenne comment vivre à nouveaux.

Ils partirent pour le Lac-Saint-Jean. Il lui apprit la vie comme elle n'avait jamais cru la voir. Ils ne se séparaient plus, partageant les proies, faisant l'amour et vivant pleinement leur vie de kindred. Elle était une bonne élève et une bonne amante. On aurait dit qu'elle était faite pour cette réalité.

Puis, il l'abandonna, prétextant une urgence, jurant son amour et son prochain retour. Elle devait maintenant faire sa place par elle-même, rester à Alma et peut-être l'attendre...

Elle sentait au fond d'elle qu'il s'était lassé....

Elle avait le même sentiment.

Pauvre Antoine... Il avait toujours été si dramatique! Elle n'avait pas besoin de cette façade cinématographique. De ce cliché.



-Amenez-en des hommes! Je suis prête...
Un sourire effleura son nouveau visage.